La peinture de Laurent OKROGLIC est une peinture du cri, un univers sarcastique proche du Waste Land de T.S. Eliot. Ses images expressives jusqu’à l’agressivité engendre parfois un sentiment de malaise, d’angoisse, de menace. Au-delà de la représentation fictionnelle d’un univers inquiétant, sa peinture se comprend comme un refus, la dénonciation d’un monde de plus en plus égotique.
C’est bien par les mises en scène d’une humanité broyée par un système que l’artiste dénonce les formes d’une pensée totalitaire qui prône la médiocrité et l’acculturation. Pour s’affranchir de cette liberté sous contrôle, l’obsession devient acte de résistance. Son œuvre semble bien vivante, il emprunte avec humour à l’imaginaire de la télévision et de la culture de masse des éléments qu’il détourne. Il s’attaque aux vernis vide de la culture. Les personnages de ses toiles ne communiquent plus entre eux, leurs regards hébétés. Ils se côtoient sans se voir emprisonnés dans l’obscurité des limbes.
A l’instar de Jérôme Bosch, l’univers de Laurent OKROGLIC est peuplé de créatures mystérieuses et monstrueuses qui hantent comme des cadavres de la vie la surface de ma terre. Ses dessins nous dévoilent un monde en quête de sens qui ne peut oublier les horreurs de la guerre, la cupidité, la poursuite des jouissance sensuelles…
La folie s’empare des hommes, leur monde semble sombrer dans le cauchemar. La férocité de ces représentations offre à nos pensées une licence nouvelle -la permission d’ouvrir des portes auparavant tenues fermées. Georges Bataille dans l’histoire de l’œil, exprime le tumulte de ses sentiments contradictoires : « je n’étais nullement satisfait, au contraire, par la débauche habituelle parce qu’elle salit seulement la débauche et, de toute façon, laisse intacte une essence élevée parfaitement pure » . Parcourir ses espaces imaginaires peuplés de créatures étranges nous aide sans doute à garder nos démons à distance.
L’artiste fabrique des histoires à partir de matériaux sensoriels fugaces qui nous bombardent à chaque instant, suite fragmentées d’images, de conversations, d’odeurs, et le contact des objets et des gens. La courte animation vidéo permet d’aborder la narration sans raconter une histoire de manière linéaire, grâce a la métamorphose constante de personnages, d’objets…
La libre énergie de son trait renforce l’ambiguïté de cette nouvelle forme de « peinture graphique » dont l’écriture parfaitement maîtrisée fait surgir l’image. La lecture des « vignettes dessins » peut se faire de façon indépendante, chaque œuvre contient son propre univers autonome ou au contraire le sens se révèle qu’après association libre de plusieurs vignettes, parfois proche de l’esthétique de la bande dessinée. On ne peut se soustraire à la fascination de ces images de métamorphoses. L’artiste souhaite nous offrir une multitude de combinaisons de sens possibles, les toiles seraient les signes d’un langage en constante redéfinition.
Sébastien Delot